mardi 25 octobre 2011

MONTREAL


 J’aime Montréal. Une ville proche de l’idéal, hybride, mi ville mi campagne, son lexique  mi français mi anglais, son climat à variation extrême du caniculaire à l’antarctique, une ville visible dessus et vivant dessous, aux pluies d’interdits et aux autorisations les plus inattendues (comme fumer de l’herbe en plein centre ville le dimanche matin ; Il y a ceux qui vont au marché, ceux qui courent, les autres fument et rentrent en transe sous le rythme  des tam-tams, ...chacun son truc…) ; J’aime ces paroxysmes, miroir  de l’homme et de sa complexité, qui confèrent à cette ville toute son humanité.
J’aime les gens. Ici, on ne s’encombre pas des protocoles. Je me suis faite arrêtée l’autre jour, sur un passage piéton, par une femme qui tenait à me complimenter pour la beauté et l’originalité de mon manteau ! Du jamais vu à Bordeaux !! Tout comme Térez Montcalm* qui, à l’issu de son concert, est venue discuter avec son public, à l’occurrence mes deux copines et moi. Quand on lui a dit que Suzanne venait de New York, avait 5 enfants, que Betty Anne avait 4 enfants et venait de Prévost, moi de Bordeaux, elle a ouvert des yeux grands comme son banjo et nous a dit que ce qu’elle faisait sur scène était de la gnognotte par rapport à ce qu’on accomplissait. Qu’elle n’avait pas d’enfant, qu’elle n’avait que 2 chiens et qu’elle en avait des fois plein le cul, ce à quoi on lui a rétorqué, pourquoi croyait-elle qu’on était là à l’écouter ce soir ? Elle a bien ri….Nous nous sommes alors embrassées comme si l’on se connaissait depuis toujours et nous a bénies de « je ne vous connais pas mais je vous aime déjà ! ». Une scène inimaginable en France ! Une autre fois, sur un lien internet, on nous propose de mettre un commentaire avec la petite phrase qui tue : « si tu crois que quelqu’un va te lire, alors tu peux mettre un commentaire » : ils sont complètement débridés, décomplexés et humbles. Une grand leçon pour nous les français.
J’aime les paysages. L’automne s’est installé en 4 jours. Le temps d’un aller retour sur New York et le paysage Montréalais avait complètement changé. Les arbres avaient mis leur perruque jaune, rousse et rouge, le sol s’était tapi de feuilles jaunes, la vigne verge sur les murs avait rougi….des zombis avaient émergé des parterres des maisons que l’on avait laissés pourtant fleuris en partant,  des citrouilles avaient poussé, des squelettes s’étaient pendus aux arbres, des araignées s’étaient accrochées aux murs, des crânes roulaient, un vrai de vrai village halloweenesque !! Mais je vous rassure, les arbres cachent toute cette funeste décoration et la vue d’ensemble est champêtre ..à mort !!!..

jeudi 6 octobre 2011

PHASE 3, L'INSTALLATION

La phase 1 fut les vacances, la phase 2 la rentrée,  nous sommes arrivés, 2 mois et demi après, à la phase 3 L'INSTALLATION : dans les dictionnaires, ce mot a une connotation très matérielle liée à l'aménagement, la mise en place d'une maison, d'un campement militaire, d'une stratégie, nul part je n'ai lu une définition à connotation humaine évoquant la dimension psychologique de l'installation. Ce sentiment très intime qui consiste à prendre pleinement conscience que la nouvelle routine est en train de régler notre quotidien. Voilà, notre vie cette année devrait ressembler à ça : ce que je vis aujourd'hui sera pareil à la semaine prochaine....à quelques détails près...(Nous partons aujourd'hui à New York, nous n'y retournerons probablement pas avant l'année prochaine)..... Mais les enfants ont trouvé leur cercle de copains, leurs repères, Guy les clés de son bureau, moi les joies du service après-vente.
L'installation c'est : je commence à comprendre pourquoi, .... comment,  ....  comment fonctionne l'humour des adolescents de mon âge, se dire que je serai la française du groupe et qu'il faudra que je fasse avec ; à chaque fois que j'émets un avis :"oh, c'est trop cute (mignonne), ça se voit que tu es française.....", et pourtant se surprendre à penser québécois "oh my god...!"qu'elle m'énerve....
L'installation c'est se surprendre à prendre-l'habitude-de regarder tous les matins le thermomètre dehors et assister lentement à l'installation de l'hiver : pour l'instant,  le thermomètre est le seul indice de changement de saison, parce que si l'on devait se fier au reste, les arbres ont toujours leurs feuilles vertes, (bien que les couleurs arborent petit à petit la teinte orange), le ciel est toujours bleu, les filles portent encore des jupes, les terrasses de café sont encore pleines, on ne met pas encore le manteau.
L'installation, c'est prendre conscience que cette maison sera le théâtre de notre vie durant une année :  notre odeur prend place dans les chambres, les odeurs de cuisine imprègnent les murs, les scènes de joie, de peine, de déception, d'engouement  se tiendront dans les pièces de cette maison. Ce n'est pas une maison de vacances. La fugacité n'existe pas. L'instant est inscrit dans une certaine pérennité qui n'est pas frivole (définition : qui a peu d'importance, dont le caractère insignifiant ou vain ne mérite pas qu'on s'y arrête) ; des décisions y seront prises qui auront une incidence sur le cours de la vie : je pense aux ados qui attacheront leurs souvenirs de vie québécoise à cette maison, peut-être y ramèneront-ils leurs enfants plus tard et leur diront : "c'est ici que....j'ai pris la décision de venir faire mes études à Mc Gill (propos de Victor)"
L'installation c'est aussi s'approprier les endroits de la maison pour lire, regarder un film, faire les devoirs, réfléchir ou repasser le linge, (ou faire les 2 en même temps), jouer du saxophone, recevoir les amis; C'est découvrir le changement de la lumière dans les pièces, la répartition de la chaleur qui implique le sens du vagabondage dans la maison.
L'installation  c'est avoir le sentiment de revenir à la maison, chez soi, après 4 jours d'absence, sans cette froide impression d'avoir à  reprendre possession des lieux, puisque nous les avons déjà assimilés, intégrés  tel étant notre cadre de vie personnel habituel. Personnel. Voilà le mot. C'est devenu intimement personnel. Un attachement s'est opéré.
L'installation c'est le sentiment de ne pas faire seulement un stage lorsqu'on prend des cours de saxophone ou des cours de peinture, mais d'apprendre et prendre une petite partie de la culture de ce pays, à la manière de ce pays, décomplexée et débridée.
L'installation, c'est se demander comment je vais faire pour me réhabituer à mon ancienne vie ? La réponse est vite trouvée : grâce aux amis et à la famille !