dimanche 31 juillet 2011

Se faire de nouveaux amis

Echanger sa maison, quoi de plus logique lorsqu'on a ce projet de vie à l'étranger* pour une année. Et la logique, enfin, on pourrait croire que ça m'est familier, moi qui suis mathématicien. Mais l'engagement est entier. Pas un échange pour les vacances, bonjour monsieur, bonjour madame, on se donne les clés, votre séjour était sympa ?, Aurevoir, merci. Non, plutôt sur le thème, vous êtes prêts à nous montrer un petit bout de vous-mêmes ? On a fait la poussière, mais vous verrez bien après tout comment on y vit dans cette maison, en espérant qu'elle respire les mêmes idées et les mêmes valeurs que vous et que vous vous y sentirez aussi bien que nous, que les petits vont pouvoir y grandir comme si c'était chez eux ...

On se connait encore peu, avec Pascale et Frédéric. Et à force de poser les yeux sur leur intérieur, à  force de repenser à leur premier courrier, à leur 'courage' et à leur patience à attendre que mon institut veuille bien accepter ma demande d'année sabbatique, (merci Pascale, merci Fred, c'était pas gagné), j'ai souvent pensé à nos projets respectifs en poussant le crayon pour rédiger ma demande.

Votre/notre -- on ne sait plus où on habite -- jardin est des plus coquet (Justine nous a appris que vous l'aviez réalisé exprès pour l'échange !!!).  Je ne me souvenais pas que les cigales chantaient ici**. L'avancée des fenêtres du salon en fait un endroit exquis pour lire (je ne vous ai pas encore assez remercié d'avoir installé le téléviseur en bas) -- on s'est autorisé à bouger les meubles et à permuter fauteuils et canapé.

Tiens, juste pour vous montrer comment ça se passe.

L'autre soir, sur un ton de reproche (léger bien entendu, je suis politiquement correct après tout, comme on nous l'apprend très jeune de ce côté-ci de l'Atlantique)  -- "Mais pourquoi t'as pris nos draps ? C'était pourtant pas vraiment la peine ... ". Et ce n'était pas nos draps. Enfin, on nage dans le bonheur : on s'est fait de nouveaux amis -- dont on a pas eu le temps de profiter, sauf mails, sauf coups de fils répétés, un peu de skype et une demi-heure avant de sauter dans l'avion. Ca nous fait un projet pour le retour.

La bibliothèque. Combien de lectures communes (Yourcenar, Le matin des magiciens !). Combien d'ouvrages qui font partie de ma liste de choses qu'il reste à lire -- une année ne va pas suffire. Encore des atomes crochus.  Les DVD, les CD, que de culture en commun !

L'atelier de Fred. A l'évidence, il n'a pas eu le temps de ranger, comme moi,  la cave et l'abri jardin -- même pas peur.

La cuisine. La caverne à épices de Pascale est un de nos coins favoris. Un endroit qu'on ne peut pas planifier  dans une maison, il se bâtit au fil du temps -- c'est une sorte de miroir. Pascale tu confirmes ? Hier j'ai fait une bonne fournée de muffins pour le brunch, tout m'est tombé sous la main, cannelle, muscade, sans mentionner le magic baking powder***. Et une maison qui compte quatre plaques à mini-muffins, ça ne s'invente pas -- il y a de la passion dans cette cuisine.

Faudra que je vous parle du marché Jean-Talon. Ma grand-mère, ma soeur, ma tante, ma mère, mes oncles ont vécu à proximité. Je l'ai fréquenté pendant des années, à remplir les sacoches de mon vélo avant de rentrer à l'appart rue Chabot pour avaler une salade d'épinards. J'avais acheté ma cafetière espresso à côté, rue Saint-Laurent avant mon départ en 1991.

[GM]

* Je suis pas certain que ce mot soit le plus approprié ... en attendant de trouver mieux.

** J'entends déjà les Pagnol se moquer (j'en ai deux à la maison qui croyaient entendre le grésillement des fils électriques, pfff). "Attents, Marius, qu'est-ce qu'il nous raconnnte le petit, y a la sève qui lui est monnnté au cerveau, hé, c'est les moinns trenntes qui lui font les flocons dans les idées. Mazette." Eh bé, non, y a qu'à s'intéresser: http://www2.ville.montreal.qc.ca/insectarium/toile/nouveau/preview.php?section=fiches&page=33

*** Y a ceux qui connaissent, les autres, je suis désolé, je peux pas vous dire ce que c'est, je suis tenu par le secret.

Poser les pieds

C'est un blog au démarrage lent, celui qui prend le temps qu'il faut pour poser les pieds. Ouf, on y est depuis à peine plus d'une semaine, avec le sentiment d'y être depuis un mois. Ca tourbillonne. Ca donne parfois des maux de dos aux allures de sciatiques, ça donne aussi des grands moments de bonheur.

La première envie, c'est de reprendre le pouls de la ville, celle qui m'a vu grandir, faire toutes les bêtises qu'il faut faire avant de devenir une grande personne. La montrer à ceux qu'on aime, en espérant qu'ils y lisent ce qu'on n'arrive pas à raconter de soi-même. Et je crois bien que ça se passe, je l'ai senti en écoutant ma grande fille répondre aux questions de David hier (je vous reparlerai de David, y en a à raconter).

Nos amis Beaulacquais nous manquent, mais l'air sur-oxygéné de Montréal et du Québec nous empêche encore de tourner la tête. On est dans le bouillon, on nage à grandes brasses. On arrive les amis, on vous revient bientôt -- ces quelques jets littéraires sont déjà la première étape. Pour l'instant, on essaie de synchroniser les horloges. Pas si facile, mais passionnant.

Le plus étonnant est cette question qui a émergé dès les premiers jours, comme si elle était là à attendre le bon moment depuis des années. T'es français ou québécois ? T'es franco-québécois, québéco-français ? Au fait, t'es parti depuis combien de temps, depuis avant même que tu fasses tes valises ? Ou t'es pas parti encore ? C'est maintenant que tu prépares ton départ ? Cette fois, c'est pour de bon ?

Tu vas pas nous dire que maintenant tu veux rester ? Ca, c'est la question la plus facile: les amis je vous aime trop, va falloir que les français règlent leurs problèmes avec les bi-nationaux* avant mon retour, parce qu'une chose est sûre: je reviens.

[GM]

http://www.liberation.fr/societe/01012344759-pour-la-droite-on-est-francais-et-rien-d-autre (ça me remue encore).