vendredi 27 janvier 2012

LE PUZZLE

L'organisation d'une vie peut être comparée à un puzzle où l'on recherche et place les pièces les unes après les autres. Certaines s'imposent comme une évidence (les parents, les frères et soeurs, l'éducation reçue), d'autres mettent plus de temps à être trouvées (le compagnon idéal, ses enfants, le job idéal, la maison de ses rêves, les amis fidèles). Ce jeu de construction où les pièces s'imbriquent et prennent chacune leur place respective prend du temps, de la patience mais chacune joue un rôle dans la construction de sa personnalité, de sa vie.

Certaines fois, la perte d'une pièce peut faire exploser ce complexe travail d'imbrication et faire perdre le sens de l'oeuvre : la perte d'un parent, d'un ami, d'un travail. Un temps de réflexion est alors nécessaire pour reconsidérer l'harmonie de notre puzzle.On réfléchit alors à l'essentiel et pour combler ce qui est irremplaçable, on se sert de notre mémoire pour faire le lien avec le reste, une image virtuelle remplace la réelle et tout revient dans l'ordre.

Mais qu'en est-il quand toutes les pièces sont là mais pas à leur place ? On a l'impression de vivre dans un rêve.  Lorsque je suis revenue dormir dans ma chambre de jeune fille chez mes parents d'abord, j'eus le sentiment d'être Alice au pays des merveilles où je redevenais une petite fille et faisais le bilan de ma vie. Puis, lorsque je suis arrivée devant ma maison de Bernos, une "étrangère" (pas si étrangère que ça puisque nous avons sympathisé assez pour partager nos amis) m'ouvrit la porte, les photos de ma vie étaient bien encadrées dans l'entrée, mais ce n'était plus la maison où j'habitais, les enfants rentrant de l'école n'étaient pas les miens, je m'avançais vers ma voiture mais ce n'était pas la bonne. Puis, le retour vers les amis : tout le monde était là, comme si je les avais quittés la veille, les six mois d'absence effacés en une minute, en un claquement de doigts. Je réalisais alors que ma base était bien là, à Bernos.  Puis, je reviens à Montréal, et là mon beaufrère me cueille à l'aéroport (alors que d'habitude c'est mon mari), et je trouve chez moi le mari de la femme qui m'a accueilli chez moi, en train de faire des travaux chez lui, ou chez moi, là où j'habite, où mes enfants me reviennent dans les bras.....Mon mari est parti à Venise, puis à  Bordeaux pour 7 jours. Je le verrai demain par Skype avec mes amis de Bernos !
Ma vie à Montréal est comme une vie en suspension, un rêve, un songe, des pièces de puzzle que l'on ajoute, que l'on a du mal à caser, on sent qu'elles ont une place mais on ne sait pas où.... le genre de pièces que l'on met de côté car on sait qu'on trouvera leur place plus tard.

Cet échange de maison a des répercussions sur notre boussole que l'on n'aurait jamais soupçonnées.
Surtout pour ma part où je clame depuis le début mon attachement à cette ville de Montréal où je me sens comme chez moi. Je réalise aujourd'hui que ce n'est pas chez moi. J'ai l'intention de vivre mon rêve les yeux bien ouverts jusqu'à la fin. Les nouveaux amis canadiens sont bien réels et font partie de mon puzzle.
Guy et moi nous rendons compte dans nos déplacements que notre noyau, nos enfants, nous servent de repère, de cap, de phare, de centre. Ils sont bien au milieu du puzzle, et toutes les autres pièces convergent vers eux.