vendredi 17 février 2012

LE MANQUE

  Est le sentiment nouveau que je ressens depuis mon retour en France, à Bernos. Ca y est, il est lancé, il est dit.
L'absence de mes amis, que je porte avec moi dans chacun de mes pèlerinages touristiques, qui sont dans mon coeur et mon esprit, commence à se faire sentir. Jusqu'à maintenant, je vivais mon expérience, j'étais dans l'action, la découverte, l'exploration et l'ambition de découvrir quelque chose de nouveau. Chaque jour, un esprit d'aventurière farouchement  aiguisé, je me levais en sachant que je me coucherais enrichie d'une nouvelle observation, d'un nouveau raisonnement, qui allait me rendre plus mature et plus sage que le matin. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir changé d'état d'esprit. Je suis dans la réflexion de savoir ce qui fait la réelle différence entre les québécois et les français, et  l'échange avec des amis pour nourrir cette réflexion me manque, nous manque. L'absence des apéros spontanés, des repas improvisés, des rigolades complices. Cette abstinence de complicité avec mes amies, ces moments de douces confidences de boudoir me manquent. Les regards, les yeux dans les yeux, ces messages qui passent bien au-delà des mots, le touché, le parfum qui fait partie intégrante de la personnalité de chacune, le timbre de la voix, toutes ces perceptions que le mail ne peut transporter en pièce jointe. Cette abstinence d'amitié se transforme avec le temps en carence. Le corps tout entier réclame ce contact et subit la déficience  par un sentiment de privation, de vide. Cette indigence affective, propre aux expatriés, n'est pas comblée ou remplacée par les nouveaux amis. L'affection est comme l'amour, elle se multiplie, elle ne se divise pas. Une mère n'aime pas moins ces 5 enfants que celle qui n'en a qu'un. Les amis ne se remplacent pas, chaque personne est unique et trace derrière lui un sillage affectif qui lui est propre.
Mais, ce manque ne veut pas pour autant dire que je souffre de l'insuffisance de réseau social ici, ou d'activités sociales. Guy et moi sommes très heureux de nous retrouver en famille, de nous recentrer sur notre famille, notre cocon, l'essentiel vital. Nous nous plaisons à trouver du temps pour nous promener seuls, discuter, échanger sur notre expérience, renforcer notre complicité et notre amour. Les soirées plus nombreuses au cinéma avec les enfants, les découvertes familiales renforcent également notre complicité à 4. Cette année de parenthèse aura été pleinement enrichissante. Le manque de nos amis aura également renforcer notre amitié. J'ai quand même hâte de nous retrouver tous sous le marronnier, dans la douce lumière verte, autour d'une table couverte de petits ramequins offrant olives, tapenades, anchoïade, tomates séchées, vin blanc, pain de campagne, et ma vaisselle, mes nappes, mes chandeliers.
Les autres manques pêle-mêle : mon chat, mon lit futon, le crépitement et l'odeur du feu de cheminée le matin, au petit déjeuner et le soir, la couleur de l'eau au Cap Ferret, quel que soit l'heure, le bruit des vagues de l'Océan, ma baignoire et mes bains, les apéros dans le bain avec Guy, le marché de Bazas le samedi matin, les puis d'amour, mes cours de peinture à l'université et les copines....
Ce qui va me manquer de Montréal : la simplicité des gens, l'humilité des personnes, leur bonhommie, leur gentillesse, leur sourire, leur calme, leur "non-stress". La proximité de la ville, Montréal, ses maisons, ses escaliers en colimaçon, ses couleurs, ses cafés cosy - vintage, le charme de la rue St Denis, le quartier Outremont, ses magnifiques maisons, ses parcs. Ses festivals. Le "Tout est possible" québécois, leurs questionnements perpétuels et quelquefois naïfs me plaîsent car rien n'est jamais établi comme définitif et le "pourquoi pas" permet toutes les créativités, ouvre le spectre des possibilités à 180°, tant que c'est sous contrôle...et bien évidemment...ses saisons...L'automne et sa toison rousse, les saisons marquées aux feutres de couleur à gros traits de rouge pour l'automne, de blanc pour l'hiver, de vert pour le printemps et de jaune pour l'été.
Et surtout, les nouveaux amis, Betty-Anne et David, et Suzanne, ma chère Suzanne.
Quand je partirai d'ici, j'aurai l'impression d'abandonner un cocon qui a fait de moi la femme la plus heureuse, une femme papillon, libérée du fardeau de l'année malheureuse de 2007, où je quittais Montpellier et mes amis, et je perdais  mon père tant aimé. Je considère que cette année de grand bonheur annihile mon année de grande déprime et que le compteur de bonheur de ma vie est rééquilibré. Je me rends compte que, en prenant du recul, ma vie a retrouvé les valeurs, les couleurs et les repères que je pensais vains : l'amitié, la famille, la joie de vivre, les voyages.  Je suis vraiment heureuse, sereine, calme, comblée...
Si j'avais eu à me poser la question, le Québec ou la France, je sais maintenant que je choisirais la France. Pourquoi ?
Pour revoir mes amies plus souvent, pour que mes enfants ne soient plus privés de leurs amis et de leur grand-mère, pour profiter d'elle, de leur cousin, pour les échappées de week-ends si diversifiées à 2H de route (mer, montagne, campagne), pour  Montpellier, le Cap Ferret, Ile de Ré, La Baule, St Jean de Luz, la Dordogne, Paris), pour le cinéma, pour ma maison et la piscine, la décoration, France Inter, les bons petits restos, les huîtres et le Tarriquet.
Ce que je n'ai pas envie de retrouver : le marasme économique, la politique, Bordeaux et la suffisance bordelaise, la pluie, le brouillard, l'humidité, les boeufs gras* , la tristesse et le ronchonnement des français, leur esprit étroit et bien souvent étriqué, ..... Il n'y a qu'à voir le score de Marie Le Pen....!!!

*LES BOEUFS GRAS : une tradition moyenâgeuse, où les agriculteurs promènent leurs boeufs, bichonnés, préparés (les boeufs) comme une mariée, rasés, parfumés d'un bouquet de mimosas ou de rose fixés à la queue (du boeuf), couronnés d'un écriteau  sur la tête portant le nom du bourreau chez qui vous les trouverez dépecés, préparés à garnir.... votre estomac,..... c'est vraiment morbide, pathétique, à vous rendre végétarien.....




1 commentaire:

  1. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
    Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son âge !

    Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
    Fumer la cheminée, et en quelle saison
    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

    Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
    Que des palais Romains le front audacieux,
    Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

    Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
    Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
    Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

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