En revenant du salon de la déco, de Paris, assise
dans mon siège de
TGV, arrêté dans
la gare d'Angoulême, en face des toilettes publiques, je me retrouve alors malgré moi spectatrice d'une scène de la vie digne des films
muets de Tati, dont la cocasserie à attiré mon attention.
Un
premier homme, dans la soixantaine confirmée, de taille moyenne, s'avance penaud vers les toilettes
publiques, traînant
sa valise noire derrière lui. Les lunettes chaussées sur le bout de son nez, il
ralentit devant les 2 portes s'offrant à lui, se questionnant déjà sur la procédure à accomplir pour ouvrir la
porte, Sézame de son soulagement. En
effet les instructions semblent aussi complexes, fastidieuses et précises que les combinaisons
d'un coffre fort. Après un petit moment de lecture et d'analyse de la situation,
il lâche
sa valise pour libérer sa main et l'enfouir dans la poche droite de son
pantalon. Un petit déhanché vers la gauche accompagné du pliement de sa jambe
droite semble l'aider à retirer de son pantalon un porte monnaie d 'où il ressort avec la plus
grande inquiétude
quelques pièces
pour lesquelles il voue un inestimable espoir, d'une valeur dépassant soudainement le CAC 40
le plus élevé, le lingot d'or du
soulagement de la prostate.
Puis, arrive dans mon champ de vision un autre
personnage, un homme d'une trentaine d'année, avec une casquette, d'origine africaine, de la même taille que son voisin, tirant une valise jaune. Il
ralentit également
devant la porte, cathédrale refuge de son apaisement, non pas spirituel mais bien organique. Après un temps de lecture des
inscriptions dignes du code de Vicci, il lâche sa valise pour libérer sa main droite qu'il
dirige vers la poche droite de son pantalon, opère un petit déhanché vers la gauche, suivi d'un léger pliement de sa jambe
droite en même
temps que son voisin qui espère encore trouver au fond de sa poche la pièce ultime absente de son porte
monnaie. Malheureusement pour le 2ème voyageur, sa quête pour le graal
semble compromise alors que je le vois demander à son voisin la pièce inestimable. Heureusement,
notre sexagénaire donne, compatissant, le jeton d'or à son voisin qui le remercie chaleureusement. Unis par les liens de cette concupiscente envie libératrice, ils introduisent alors dans un
mouvement synchronisé, l'ultime pièce dans le réceptacle et tirent
sur la poignée. Hélas, la porte de la caverne ALIBABA reste fermée. Ils se regardent désespérés, et soudain, jaillit le
voyant vert du GO. Ils disparaissent alors ensemble, dans un même élan, dans leur grotte rédemptrice. Restent alors dans le décor, les 2 valises sur le
quai, sans personne pour les surveiller. J'aurais aimé avoir une caméra pour finir le film sur ces 2 valises solitaires, attendant, comme des chiens fidèles, leur maître respectif.
Depuis,
je suis retournée à Angoulême. Dans une envie tout aussi personnelle et envahissante, je me suis souvenue des
toilettes publiques sur le quai de la gare. C'est alors que j 'ai lu, sur la colonne à droite de la porte, les instructions suivantes :
1 - lâcher la valise de votre main droite,
2 -
enfouir votre main droite dans votre pantalon
3 - déhancher vers la gauche Et
plier le genou pour remonter le fond de
la poche Et accéder
au fond de celle-ci
4 - Attendre que la lumière passe au vert
5 - GO !