samedi 23 juin 2012

MON BILAN

Cette année fut également pour moi l'occasion de faire une pause, de prendre de la distance par rapport au film de ma vie (surtout lorsque je suis revenue dormir dans mon lit de jeune fille chez ma mère),  d'avoir une reflexion introspective du chemin parcouru, un repli sur moi nécessaire pour faire le bilan et avancer.
Mon activité et les amis d'enfance de Guy m'ont quand même permis de faire de très belles rencontres qui m'ont nourrie de belles expériences, de discussions très enrichissantes et d'amitiés.

Après une année socialement très nantie, j'ai vraiment apprécié ce retour au calme, à l'harmonie, à l'apaisement, au rassemblement de ma cellule familiale. J'ai joui de la plénitude des week-ends, d'un agenda aussi léger que celui d'un hermite : pas d'activité sportive (trop chère), pas de cours de peinture (trop chers), pas de réunion au Danemark (trop cher), pas de téléphone (trop cher), pas de déplacements (trop chers), pas de taxi pour les enfants, pas de diner à organiser, pas de devoirs à suivre (ils n'en avaient pas, ou peu).
Et Non, je ne me suis pas ennuyée, je me suis sustentée de culture comme le cinéma,(sans parler du plaisir de voir mes enfants volontaires pour aller voir des films en version originale, anglais). Les musées : nous nous sommes gargarisés des musées Montréalais et New Yorkais. Les festivals de Montréal : nous les avons presque tous fait (feux d'artifice, Montgolgières, Festival du rire, de la Mode et du Design, nuits blanches, fancofollies, du Jazz), Le Carnaval de Québec et son Hôtel de glace. La lecture, j'ai lu les 3 volumes de Millenium, Lee Child, Amélie Nothomb, Laurent Gounelle, Philippe Lavalette, Tatiana de Rosnay,... J'ai mis à jour ma culture cinématographique québécoise et américaine (The Great Gatsby, Le Magicien d'Oz, Woody Allen ...).

J'ai le sentiment de m'être rassasiée, à défaut de bonne nourriture terrestre, de nourriture culturelles, spirituelle, amicales, d'amour et trouver une paix intérieure, une force paisible. Je sais où est ma base, de qui et de quoi elle est constituée, fabriquée.
Une année sabbatique où je me suis régalée d'écrire ce blog, m'épancher chaque jour sur mon nombril, prendre la température de mes états d'âme, vivre au rythme de la nature et des évènements.
Certes, le conflit juridique relatif à ma maison de Vailhauquès me tourmente lorsque j'y pense, mais il n'a pas occulté ma volonté de profiter des bonheurs qui se sont offerts à moi.
 
Oui, vraiment, une belle année ....

dimanche 10 juin 2012

PREMIER BILAN


LE BILAN

Nous sommes à un mois de notre retour. Il est temps de dresser un premier bilan.

Dans toute prise de risque, il y a des retours favorables et des déconvenues, des avantages et des inconvénients. Il faut essayer de distinguer si la lune est éclairée par le soleil, ou si le soleil est caché par la lune. Est-ce que ça valait le coup de partir un an au Québec ? Echanger sa maison, sa voiture, changer les enfants d’école, les immerger dans le système québécois pour une année ? Est-ce que le rapprochement familial a eu lieu ? Est-ce que la culture québécoise correspond à ce que nous pensions ? Aurons-nous envie de revenir y habiter ?
Il faut discerner le bilan ressenti et le bilan objectif.

Le ressenti général : A l’heure où je vous écris, à un mois de rentrer, nous avons unanimement hâte de rentrer en France, retrouver notre maison, nos amis, notre famille, notre chat, le Cap-Ferret, le Pays-Basque, La mer, la Dordogne, les repas sous le marronnier centenaire avec les amis, autour d’une belle table, déguster de bons fromages, du bon vin, de bons mets délicats. Partir nous a permis de mesurer l’attachement à notre culture, nos valeurs sociales, notre liberté, notre environnement géographique diversifié si rapidement accessible (Paris est à 3h de Bordeaux en TGV, alors que pour une même distance, New York est à 10h en train, 6h en voiture).
Mais, en même temps,  nous n’en revenons pas d’avoir foulé le sol de New York 3 fois dans une année !! Les enfants ont pu visiter tous les musées connus (MOMA, le Metropolitan Museum, le Guggenheim, le Natural History Museum, Empire State Building, le Rockfeller Building, la Statue de la Liberté), Time Square et ses écrans géants ! Premier paradoxe : mes enfants connaissent mieux New York que Paris, alors que je vantais la proximité géographique quelques lignes plus haut. Les paradoxes, je vous avertis, seront nombreux. Il faut avouer que nous avons eu la grande chance d’avoir été accueillis par notre amie Suzanne, et sa famille, (que je remercie de tout mon cœur) qui n’a pas économisé sa peine pour faire les aller-retours New York – Montréal pour partager les bons moments avec nous.

L’Echange de maison et voiture : Je dirais, pour ma part, que c’était une excellente expérience. L’emplacement de la maison a participé pour une grand partie au plaisir que nous avons eu de vivre dans cette ville de Outremont, Montréal. De Situation Centrale, près du Mont-Royal, à 8mn (foi de GPS) du centre ville, 8mn du plateau (quartier favori) , et surtout à 5 mn à pied de l’école des enfants, des commerces, des rues les plus huppées de Montréal, nous avons goûté aux plaisirs de la ville (transports en commun, cinéma, théâtre à proximité), avec les avantages de la campagne (verdure à foison) sans les inconvénients (le bruit). La maison et sa décoration suédoise (IKEA) correspondaient aussi à notre goût : une maison centenaire avec planchers en bois, cheminée (malheureusement non fonctionnelle), hauteur de plafond, grand escalier en bois, des étagères couvertes de livres, des disques et des DVD, (nous avions certains disques, livres, DVD en commun), un piano. L’espace à vivre était agréable. J’aurais souhaité que les enfants se lassent de l’espace exiguë de la salle  TV et ordinateur en sous-sol pour laisser la console et lire davantage….Nous avons eu beaucoup de plaisir avec Guy à nous imaginer dans des films de Woody Allen lorsque nous dégustions notre apéritif, devant les fenêtres de l’avancée du salon,  en écoutant du Jazz.
LA seule mauvaise surprise, de taille quand même, fût le forfait téléphonique et internet. Nous y avons laissé quelques plumes et ça, nous ne l’avions pas anticipé. Notre échangiste a marqué un geste en réévaluant la capacité mais cela n’a pas suffit, loin s’en faut.

Nous avons eu un accident de voiture début septembre et les assurances ont bien fonctionné. Notre échangiste a eu des problèmes mécaniques avec notre voiture, tout est rentré dans l’ordre grâce aux échanges téléphoniques et internet entre le garagiste, l’échangiste et nous.
Les échangistes ont malheureusement vécu le grand froid en France alors que nous l’attendions au Québec. Sauf que, notre maison n’étant pas équipée pour cette baisse de température, les échangistes ont dû l'endurer  dans la maison aussi. Ils, nous, la météo, personne ne l'avait anticipée.
Quant au kilométrage des voitures, nous savions  que nous partions pour découvrir ou redécouvrir le pays, nous avons donc fait, respectivement,  beaucoup de kilomètres.
En terme de logistique, si je devais repartir un an, je reconduirais l’expérience de l’échange.

Immersion des enfants en milieu scolaire québécois : J’ai 2 enfants, 2 expériences différentes.
L’aînée, 16 ans, pas très scolaire de nature, a aimé et ne regrette pas que le lycée français n’aie pu l’accueillir, faute de place et de bonne volonté. Elle s’est faite des amies, a apprécié les cours, la relation prof- élève très décontractée, les cours d’éthique et religion où il est question d’éduquer les ados aux différentes cultures et religions, les faire réfléchir sur le racisme et les différents régimes politiques, les sensibiliser à la conscience citoyenne. Elle a bénéficié d’une année, sous notre prisme de parents, sabbatique, qui lui a permis de reprendre confiance en elle, en ses capacités, et retrouver la motivation.
 A l’inverse, le cadet, 13 ans, plutôt académique,  a vécu l’enfer d’une classe indisciplinée, et n’a pu se faire que 2 copains…Mais il a, lui aussi, fait d’énormes progrès en anglais, et a apprécié la relation élève-prof, le rythme scolaire (8H45 –11h30, 12H45-15h15).
Le système éducatif québécois, fondé sur l’encouragement, plutôt que la répression, permet aux enfants de s’épanouir personnellement (mais le journal Le Monde relate quand même que 30 % des élèves du secondaire public décrochent sans diplôme, seuls 21 % des québécois obtiennent un diplôme universitaire, pour 41 % en France). Bref, ils repartent, gonflés de confiance. Ils ont, en outre, fait d’énormes progrès en anglais. Une classe bilingue, forcément, ça fait avancer le schmilblick !

Il est intéressant de voir comment la société forge, dès l’enfance, l’épanouissement individuel des individus, sans brimade, et qui en suite, met en place un système policier omniprésent pour contrôler ces personnes, fixer un cadre qu’ils n’ont pas eu dans leur enfance. A l’inverse, en France, les enfants sont cadrés très jeunes, le modèle éducatif préférant  le bâton à la carotte, le système policier est moins ubiquitaire, mais le français consomme un peu plus d'antidépresseurs.
Cette immersion scolaire québécoise leur a permis de comprendre et d’appréhender la culture tant appréciée de nos cousins d’Amérique, (car ce sont de vrais américains, mais chut, il ne faut pas les vexer..) : le culte du bonheur à tout prix, du bien-être, de l’épanouissement personnel, de la valorisation personnelle prime sur presque tout. « Tu es capable » est le dogme de chacun. D’où la bonhomie de ces gens, confiants, capables d’autodérision, ne se prenant pas au sérieux,  enthousiastes et gais est un vrai bonheur à rencontrer. Les Québécois sont décontractés, pas stressés, et peu importe comment tu es habillé, que tu sois docteur, maire ou ouvrier, tu es considéré de la même façon, cette relation d’égal à égal est vraiment agréable à vivre. Le fait de sensibiliser les enfants dès le jeune âge, à l’éthique et aux différentes religions, contribue, entre autre,  à diminuer le racisme. L’intégration de l’immigration est plutôt bien réussie.
Le revers de cette culture du bien-être personnel à outrance est qu’il est difficile d’organiser des activités communes. Le culte du groupe n’est pas le même qu’en France. Pourquoi se forcer à faire quelque chose dont on n’a pas personnellement envie ? Ma fille a très souvent râlé de ne pouvoir rallier le plus grand nombre d’amies à une sortie, juste pour le plaisir d’être ensemble.
Quant aux relations entre les 2 sexes, les codes sont différents des européens. L’amitié entre fille et garçon est difficile du fait de la sexualisation précoce. Un garçon, selon les standards, ne peut entretenir une relation amicale avec une fille sans devoir la séduire. Le machisme est virulent de ce côté-ci de l’atlantique.. Une fille est considérée comme produit de chasse. D’où, un mouvement féministe actif qui, réclamant l’égalité des sexes, effraie les hommes. Mais, ou, ainsi, deuxième paradoxe, les femmes ne se privent pas de renvoyer les hommes brutalement et ne se gênent pas à entretenir des relations libres, sans vergogne.

Ici, les médias élèvent (peut-on parler d’éducation ?) les filles à la séduction malgré elles. Les jeunes filles se maquillent de plus en plus tôt, arborent des tenues vestimentaires  sexy et n’imaginent pas une seconde  qu’un garçon puisse se rapprocher d’elles pour parler musique ou cinéma sans vouloir la séduire. Ainsi, quand je proposais à Victor de se rapprocher de la gente féminine pour développer son réseau social, il me fit vite comprendre qu’elles ne se laissent pas approcher si tu n’as pas l’intention de les draguer.  De plus, les garçons se moqueraient de lui si ils ne conclurait pas par un rendez-vous charnel. Margot et sa cousine ont validé ses propos. A 13 ans ??!!!
Paradoxalement, la notion de rendez-vous (the date) est également très protocolaire. Quand un garçon invite une fille à aller manger une glace ou au cinéma, il doit préciser si c’est (a date) un rancart amoureux ou pas. En France, on s’invite et puis si il y a plus d’affinité on conclue, mais on ne dit pas à l’avance : « je t’avertis, c’est un rancart, alors, j’attends mon baiser à la fin !).
Mais je m’égare de mon bilan. Tout ça pour dire que mon fils aurait été sans doute plus heureux dans le lycée français. 
Nous comprenons maintenant pourquoi Guy ne s’est jamais bien senti dans les codes sociaux québécois et a trouvé son bonheur dans les standards de communication à la française où l’on peut aimer parler de cuisine, faire les courses sans se faire traiter de gay !!
Margot et Victor ont pu toucher de près d’autres codes sociaux et ça, c’est important dans leur éducation de citoyen du monde. C’était le but de notre venue ici : connaître la culture québécoise,   la culture française, leurs avantages et leurs inconvénients.

Le rapprochement familial : Margot a passé le réveillon de la St Sylvestre avec sa cousine et je pense qu’elle s’en souviendra longtemps… Absorber Trop d’alcool trop vite, sans en avoir l’habitude, a forcément des conséquences sur l’organisme qui se traduisent par des débordements qui créent des liens …..quand on se soutient mutuellement….Victor s’est également bien entendu avec son cousin, 2 ans son aîné.  Leur oncle est venu les garder 3 jours à la maison, (le temps pour les parents de travailler en Europe). Margot et Victor ont appris à mieux connaître la famille paternelle qui ne leur est dorénavant plus étrangère.
Oui, le rapprochement familial a opéré !

Ils ont découvert également que la valeur familiale au Québec est généralement laissée en jachère. (Il faut savoir qu’il existe des associations de grands-parents pour rencontrer des jeunes enfants orphelins de liens filiaux). J'ai été très heureuse d'organiser des repas familiaux pour réunir la famille de mon époux québécois et permettre aux frères et soeurs, neveux, petits enfants, grand-parents, enfants et parents de se retrouver plus souvent qu'à l'ordinaire.

Maintenant, aurons-nous envie d’y retourner vivre ? La réponse est non, pas tout de suite. Mon fils, au début attiré par l’envergure de l’université de Mc Gill, décline aujourd’hui son envie d’y étudier.
Ma fille évoque la possibilité d’y retourner étudier lors de ses études supérieures mais pour y retrouver seulement un enseignement plus agréable et plus facile ! Quant à Guy et moi, nous nous plaisons quand même à imaginer que nous acquérons, peut-être un jour, un appartement à louer dans les nouveaux quartiers, pour avoir aussi l'avantage d'avoir un pied à terre dans cette ville si agréable à vivre.

En partant vivre à la ville, nous courrions le risque que nos ados ne veuillent plus revenir vivre à la campagne et nous sommes agréablement étonnés de voir combien ils sont attachés à notre maison, à la vie à la campagne, aux valeurs de camaraderie, d’amitié, de solidarité, de famille,  « et le calme » me demande d’ajouter Victor.

En conclusion, je dirais que oui, ça valait le coup. Margot et Victor ont acquis une maturité qui leur permettra de prendre du recul par rapport aux discours racistes entre autres, de développer et affiner leur pensée, leurs observations, leur raisonnement, leurs connaissances. Ils ont expérimenté, testé de nouvelles relations sociales, de nouveaux apprentissages et je suis certaine que cette expérience leur servira dans leur vie d’adulte. Certes, il eut été plus facile pour eux de s’intégrer si ils avaient été plus jeunes, mais ils n’auraient pu prendre conscience des développements d’idées induits par les différentes expérimentations.
Quant à notre famille, elle s’est retrouvée renforcée par une grande complicité. Que ce soit entre les enfants, dans notre couple, entre enfant et adulte, de nombreux moments nous ont rapprochés.

Je repars d’ici avec le sentiment d’avoir accompli mon rôle de parent éducateur, en  permettant à mes enfants de s’ouvrir sur d’autres cultures, et de mieux se connaître introspectivement également.